Gryon, Jérôme et le Chasselas de Vaud

La fontaine de Gryon

Lors de mon dernier voyage en Suisse, j’ai rendu visite à mon ami Jérôme qui vit dans le magnifique village de Gryon, dans le canton de Vaud à 45 minutes de Lausanne. Avant d’y arriver, j’ai eu l’immense bonheur de passer devant le mythique vignoble en terrasse de Lavaux dont les flancs tombent directement dans le lac Léman. Ce vignoble, qui fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2007 est à couper le souffle. On le surnomme le vignoble aux trois soleils en raison des rayons projetés par le soleil, de la réflexion de celui-ci sur les eaux bleues du lac Léman et du renvoi de la chaleur sur les murets de vignes qui forment les terrasses de Lavaux. Je n’ai pas eu le bonheur de goûter aux produits de cet endroit, mais juste de le voir m’a émerveillée.

Bon, revenons à Jérôme. Comment dire? C’est un cas comme je les aime! J’ai connu ce grand voyageur en 1998. À ce moment, il n’était jamais sorti de sa montagne natale. J’ignorais qu’il allait devenir le plus grand aventurier que je connaisse. Il parle maintenant plusieurs langues. Il skie partout dans le monde et gagne sa vie comme professeur de ski. Il s’est même fait connaître au Québec dans l’émission du Canal Évasion L’Aventurier Alpin où il donne ses conseils du vrai gars des montagnes. Jérôme c’est le gars cool par excellence et j’ai seulement compris lors de ce voyage combien il aime le vin!

Arrivés sur le quai de la gare de ce village de 30 maisons, le grand gars avec un chandail du Canadien de Montréal (C’est un amoureux du Québec), nous attend pour souper. Pour l’occasion, il a invité quelques amis, sa mère et Éric et Catherine, ce couple qui m’a hébergé il y a 19 ans lors de mon séjour de voyageuse en Suisse. Le micro-appartement où logent mon hôte et sa superbe copine, Elena, ne peut contenir autant de monde. Aucun problème, on prend la table dans la salle communautaire du village qui se trouve dans l’église débarrée et on l’installe dans la rue, à côté du BBQ! Les automobilistes n’ont qu’à prendre un autre chemin…ce qu’ils font! Ah ces montagnards, comme je les aime. Cette mise en place, directement à côté de la fontaine du village,  est trop parfaite. C’est l’heure de boire ce blanc italien du Piémont que j’ai déniché dans une cave cachée au fond du Monferrato situé entre Alba et Asti. La Crus 2013 est un assemblage de Chardonnay et de Sauvignon blanc qui propose aussi bien la vivacité que la rondeur. Voilà un heureux mélange qui plaît à la bande de joyeux lurons qui occupent la rue de manière bien assumée.

Voilà, la pluie se met de la partie avant de passer à table! Oups, comment faire? « Aucun problème groupe. On va souper dans la buanderie, c’est tout », me lâche le gaillard avec son accent vaudois à couper au couteau. Il faut souligner que la buanderie de l’immeuble est plus grande que son logis. Avant de passer à table, il décide de me montrer quelques bouteilles qu’il garde de partout dans le monde. Vins, Scotchs, Champagnes, rhum, eau-de-vie et une superbe collection de vins du Canton de Vaud composent sa cave.  Fier de ses origines, il m’explique une vérité toute simple mais que l’on doit savoir si l’on veut prétendre connaître les vins suisses : si le vin fait à base du cépage Chasselas est fait dans le canton de Vaud, on l’appelle alors le Chasselas. S’il est fait dans le canton voisin du Valais, avec le même cépage, il se nommera Fendant. Il ne faut jamais mélanger cette notion. « C’est clair? » s’informe-t-il plutôt inquiet. Il est certain que je ne l’oublierai pas! Surtout pas après m’être délectée d’un Chasselas de l’Abbaye de Salaz, situé tout près de Gryon. J’aurai la chance de déguster une Syrah bien poivrée du même endroit lors du repas de grillades.

Ce soir-là, entourés de laveuses et de sécheuses, nous avons enfilé quelques rouges d’Italie, du Valais, de Vaud et de France. Nous avons terminé le dessert avec un joli Pineau des Charentes avant de « snuffer » (Allemand). Oui, c’est la tradition chez Jérôme, à la fin du repas, on prend une dose de tabac à priser ou si vous préférez, à « sniffer »! « Mieux vaut une mortelle prisée qu’une crouille pinée » ont-ils entonné en cœur avant de renifler ce tabac aromatisé à la cannelle. J’ai compris le début de la phrase, mais je cherche toujours la signification de la « crouille pinée » …

Ce soir là j’ai terminé la soirée à discuter avec Jérôme à 3 h du matin, les pieds dans la fontaine en dégustant un verre d’absinthe. Quand le clocher de l’église, qui est pratiquement à la hauteur de la fontaine en raison de la pente du village, a sonné quatre coups bien francs, j’ai décidé d’aller dormir. Comme je le fais depuis près de 19 ans, encore et encore je retournerai à Gryon, petit paradis où j’ai de vrais amis.