Accord mets et vins : il n’y aura pas mort d’homme!

Accord mets et vins

J’étais invitée, samedi dernier, dans un souper de type «chef à la maison». La bande des copains copines a décidé que je m’occuperais de la sélection des vins. Ils me connaissent, j’adore me creuser la tête pour faire les meilleurs accords mets-vins. Il y a une certaine pression : on veut que nos convives apprécient nos choix et que leur expérience gastronomique soit bonifiée. En même temps, il faut relativiser : il n’y aura pas mort d’homme si un accord est moins bien réussi.

Nous avons été accueillis par la chef Karine P. et son coéquipier serveur Étienne. Premier service, l’amuse-bouche de foie gras et de confiture de poivron était servi sur un pain brioché. Quelle bonne façon de commencer la soirée! Le vin mousseux de l’appellation Moscato d’Asti du Castello del Poggio accompagnait ce service. La texture onctueuse du foie gras contrastait avec les bulles. Côté ressemblance, la confiture s’harmonisait bien avec le sucre résiduel de ce produit simple et efficace.

Je ne vous ai pas dit que j’avais un intéressant défi à relever. Nathalie, grande organisatrice de la soirée, m’avait bien avisé de sélectionner une majorité de vins rouges. Après avoir pris connaissance du menu, la sommelière que je suis a tenté, sans aucun succès, de lui faire boire des blancs durant tout le service. C’est quand on a l’impression d’être en plein contrôle qu’il faut s’ajuster. Va pour une majorité de rouges! (J’y glisserai quand même quelques blancs, question de me faire plaisir.)

À l’entrée, un fromage de chèvre frit en croûte d’amande accompagné d’une salade de roquettes, de tomates séchées et d’une vinaigrette à l’échalote a été servi avec un rouge et un blanc. D’abord, un cru rouge de Beaujolais. Château Pizay de l’appellation Morgon nous amenait la légèreté de son Gamay avec une touche de poivre. En blanc, Attitude du producteur de Loire Pascal Jolivet présentait une vivacité qui s’accordait très bien avec la délicieuse vinaigrette.

La Chef Karine P. nous a complètement conquis avec son plat principal. Son risotto de homard, poisson poêlé, crevette et pétoncle était délectable. En rouge, le Pinot noir 2012 du domaine Queylus de la péninsule du Niagara annonçait une finesse comparable à celle que l’on retrouve en Bourgogne. Parlant de Bourgogne, un magnifique Chardonnay de la maison Louis Beaucharme, bien rond et équilibré avait été sélectionné pour son accord de texture avec ce plat bien beurré. Coup de foudre! Cette petite bouteille bourguignonne à 23$ m’a renversée. Bien équilibré, ce vin offrait une pointe d’acidité en finale. Quant au Queylus, je ne l’ai pas apprécié avec le poisson et les fruits de mer. Je l’ai mis de côté pour le boire seul après ce service. Il était bien ce qu’il annonçait : un joli Pinot noir bien cerisé et bien équilibré.

Karine P. me dit : «Bon là, prend une pause» avant de nous présenter son trou normand. Ce granité de poire William accompagné d’un vin rouge épicé et coiffé d’une feuille de menthe était très agréable en bouche.

Arrivent ensuite les fromages : une pâte molle, une semi-ferme et une ferme. La chef n’avait pas encore décidé de la composition de ce plat quand j’ai choisi les vins quelques jours plus tôt. Sachant que Daniel aimait bien la Syrah, je me suis dit que c’était le bon moment pour en glisser une dans le menu. Le Côtes du Rhône Bio de la maison Chapoutier est un assemblage de Grenache et de Syrah. Ah la chance que j’ai eue dans mon improvisation! La moutarde à l’ancienne aux abricots qui accompagnait ce service rejoignait bien la sucrosité de la Grenache. Quant au fromage ferme au poivre et à la lavande, il s’entendait à merveille avec le côté poivré de la Syrah rhodanienne.

Le trio de crème brûlée du dessert était divin : une de base, une autre au thé Chai et une troisième au chocolat et aux noix. Voilà qui se combine bien avec un Xérès Olorosso Dulce de la maison espagnole Gonzalez Byass. Élevé en solera (Pyramide de barils qui permet un vieillissement légèrement oxydatif), ce vin muté était très agréable. S’il peut rappeler le Porto quand il arrive en bouche, il dévoile toute sa personnalité dès qu’il caresse le palais. Son oxydation dévoilait un goût de noix bien présent. Marie-Josée, qui n’est pas maniaque du vin doux, a quand même goûté le nectar avant de nous laisser terminer son verre. Tout le monde était heureux!

Chapeau à la chef Karine P. pour l’excellence de ses plats et à Étienne pour son service chaleureux et son efficacité à laver des verres à vin!

Guylaine Lebel