Terre Rouge : l’autre Californie du vin

Terre Rouge

Il faut voir le contraste en arrivant au vignoble Terre Rouge de William Easton. Après quelques jours dans les vallées de Napa et Sonoma en Californie, entourée d’une foule dégustatrice et attendue par toutes ces maisons structurées, me voici, en mai 2016, dans Amador County, cette région viticole de la Sierra Foothills à une heure de Sacramento.La terre, résultat de la présence du fer, est effectivement d’un rouge corrosif. Le secteur au climat aride, où défilent les lézards et colibris, est d’un calme renversant. Il faut dire que le vignoble de Terre rouge se trouve entre les villages de Plymouth et Feddeltown qui ont moins de 1 500 âmes à leurs deux. Ici, c’est la campagne, l’agriculture, le siège des Rhone Rangers, ce mouvement né dans les années 80 et qui préconise l’utilisation des cépages du Rhône ainsi que les méthodes rhodaniennes d’élaboration. Ce groupe compte parmi ses membres le fameux Randall Grahm de Bonny Doone vineyard, bien connu pour son Cigare volant.

William Easton, propriétaire fondateur de Terre rouge, travaille en biologie ses cépages du Rhône et les autres, mais attention, pas question de faire du Chardonnay ou du Cabernet Sauvignon : « Tout le monde peut faire des bons vins avec ces deux cépages ici. Je veux faire autre chose » lance le grand gaillard, en sortant de son pick-up. Le sympathique vigneron est à peine entré dans la vinerie que j’ai déjà un verre de Natoma dans les mains. Ce 100 % Sauvignon blanc, aussi vif que boisé, était d’un équilibre idéal. Il me laissait présager de bien belles dégustations.

Autre contraste avec Napa et Sonoma, à Amador, les vignes sont majoritairement taillées en gobelet (arbustes qui nécessitent une vendange à la main). Les grappes ainsi disposées ne se touchent pas et l’air y circule facilement. La végétation forme de l’ombre qui protégera les baies des brûlures du soleil. « C’est pour le Zinfandel » explique-t-il. C’est qu’en plus du vignoble Terre rouge, Bill Easton, produit également des vins dont l’influence n’est pas du Rhône sous la bannière Easton. Des 25 000 caisses produites annuellement, les deux marques se partagent la production à 50 % chacune. Avec Easton, des variétés, telle que le Barbera (Cépage de prédilection du Piedmont en Italie), son cultivées. Bill Easton n’est pas le seul vigneron à exploiter ce cépage. Imaginez, il se tient à Plymouth, chaque année, le Barbera festival ! Plus de 80 vineries de partout en Californie présentaient, le 11 juin dernier, leurs vins tirés de ce raisin de plus en plus populaire. Moi qui ignorais la présence de Barbera en sol Californien, me voilà bien corrigée.

Il est maintenant temps de déguster le « Zin » comme disent les Américains, et le Barbera d’Easton. Je l’avoue, je m’étais donné comme mission d’apprendre à apprécier le Zinfandel lors de ce voyage, car j’arrivais difficilement à m’enlever de la bouche son goût de sucre brun et de yogourt au bleuet. Déjà séduite par celui de la maison Clos Du Val à Napa, j’avais l’esprit plus ouvert en entamant le 2013 d’Easton. Cette fois, le bleuet était perceptible tout en fruit. Ici, le sucre brun arrivait à l’attaque, mais se dissipait pour laisser la place à un vin fruité et minéral. Cette minéralité n’est pas surprenante quand on sait que le Zinfandel d’Easton pousse dans des vignes qui ne sont pas irriguées et qui ne connaissent aucune pluie entre juillet et septembre. Arrivé au Barbera, j’ai trouvé un vin riche et robuste qui pouvait se comparer à certains bijoux du Montferrat (Piémont) que j’avais eu la chance de découvrir lors d’un voyage en 2014. Le bois, présent, mais pas surreprésenté, venait donner une signature toute californienne à ce vin, encore une fois, superbement équilibré.

C’est à ce moment que Bill a décrété une pause, pour boire, en notre compagnie, un verre complet de sa Syrah 2005 dont les vignes ont été plantées en 1983. Véritable bombe, cette Syrah, poivrée et violacée, aurait pu se comparer à n’importe quel excellent vin de la Côté rôtie en Rhône septentrional.

Celui qui a démarré ce vignoble dans les années 80 et qui traite ses vignes avec seulement du sulfate de cuivre propose uniquement des vins de grande qualité. Pour lui, faire du vin c’est créer un lien entre l’homme et la terre. Son but? Donner envie aux gens de boire un deuxième verre, tout simplement.

Sa façon de travailler sera bientôt récompensée par l’organisation des Rhone Rangers qui lui décerneront, cette année, un Lifetime achievement award pour sa contribution significative à ce mouvement.

Vous trouverez facilement les produits Terre Rouge et Easton en SAQ. Cette année, j’ai été ravie de voir leur rosé, Vin gris d’Amador, sur les tablettes québécoises. Tout comme pour les vins rosés du Rhône, celui de Terre Rouge n’est pas exactement indiqué pour boire au bord de la piscine. Allez-y plutôt avec un bon filet de porc au BBQ lors d’une belle soirée d’été.

Si vous passez un jour par Plymouth en Californie, passez déguster les superbes vins de cette maison sans prétention qui fait pourtant de grands vins.

En SAQ

États-Unis, Californie, Amador, Easton, Natoma 2013, 13,8%, SAQ : 00882571, 28,05$

États-Unis, Californie, Amador, Terre rouge, Zinfandel 2013, 14,5%, SAQ : 00897132, 26,60$

États-Unis, Californie, Amador, Terre rouge, Syrah 2005, 14,5%, SAQ : 10271058, 40,75$

États-Unis, Californie, Amador, Vin gris d’Amador 2014, 13,5%, SAQ : 11629710, 28,45$