Nancy Lafrance sommelière et enseignante

Depuis janvier 2014, le Centre de formation professionnelle Jacques-Rousseau de Longueuil offre  un programme de formation en Sommellerie. Afin d’offrir cette attestation de spécialisation professionnelle (ASP), les directeurs ont choisi de faire confiance à Nancy Lafrance, sommelière professionnelle et enseignante de l’établissement depuis 7 ans. Voyons ensemble son parcours.

Âgée de 43 ans, Nancy Lafrance a emprunté bien des chemins avant d’arriver en sommellerie, là où elle a finalement découvert sa véritable passion. C’est en administration qu’elle a d’abord fait ses études avant d’œuvrer, tour à tour, à titre de conseillère financière, adjointe politique et éditrice. En 2005, celle qui avait travaillé en restauration durant ses études décide de faire le point. Elle choisit de retourner travailler en restauration en attendant de se réorienter professionnellement. C’est là que quelque chose se passe. Elle réalise à quel point elle aime ce métier. Elle n’a jamais été aussi heureuse professionnellement que depuis qu’elle est de retour en salle à manger. C’est alors qu’elle prend la décision de demeurer dans le métier. Comme elle adore progresser dans tout ce qu’elle entreprend et qu’elle a développé, depuis quelques années, un véritable intérêt pour le vin, elle décide d’aller étudier la sommellerie. Forte de son diplôme en service,  elle fait son entrée en 2008 à L’institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) pour suivre la formation ASP Sommellerie. De là, la véritable passion naît. Dès sa sortie de l’école, son employeur, l’Hostellerie les Trois Tilleuls de Saint-Marc-sur-Richelieu, la nomme maître d’hôtel. C’est en occupant ce poste au sein d’un établissement Relais et Château qu’elle peaufinera les différentes facettes de son métier. Elle aura un plaisir fou à travailler dans la cave à vin de l’établissement qui valait alors quelques centaines de milliers de dollars. Elle aura la chance de conseiller adéquatement sa clientèle en matière d’accords mets et vins, mais aussi d’ouvrir et de déguster de rares bouteilles de vin en compagnie de sa clientèle amatrice de crus.

Puis un jour, quelqu’un lui conseille  d’appliquer pour un poste d’enseignante en service de la restauration au Centre de formation professionnelle Jacques-Rousseau. Après quelques années à travailler au même endroit, elle considère qu’il est temps de relever un nouveau défi. Elle aura désormais la chance d’enseigner son métier. L’horaire intéressant et les étés de congés ont également joué un rôle dans sa décision. Elle se trouve, en ce moment, exactement là où elle a toujours voulu être. Voilà un bel exemple de quelqu’un qui a décidé de suivre ses passions!

L’enseignement ou l’art de la multitâche !

Quand Nancy Lafrance s’est fait offrir d’enseigner la sommellerie, elle a sauté sur l’occasion: « J’étais tellement heureuse de pouvoir être plongée dans l’univers du vin à temps plein même si je conserve aussi une partie de ma tâche à enseigner le service de la restauration.»

Elle a toutefois réalisé que l’enseignement de la sommellerie requiert bien des talents. Les aspects pédagogiques et parascolaires demandent également un bon investissement de temps. En plus de préparer ses cours et de s’assurer d’être toujours actuelle dans son contenu, elle doit s’appliquer à intéresser ses élèves. C’est là que les notions de pédagogie entrent en ligne de compte. Rien n’est négligé. Elle recherche des reportages, des films. Elle organise des jeux. Elle prépare des examens formatifs, des quiz, des sorties. « Le monde de la sommellerie est extrêmement dense. Il y a énormément de matière à transmettre. On ne peut pas seulement offrir des cours magistraux, on va les perdre » indique-t-elle.

La tâche en dehors de l’enseignement est également importante. Chaque année, son collègue et elle organisent pour les élèves un séjour de trois jours à Niagara et préparent un stage de trois semaines en France. « Chaque année, il faut faire les approches auprès de différents domaines, trouver les billets d’avion, les billets de train, etc. Au début, nous avions favorisé la Vallée de la Loire, maintenant nous avons aussi des endroits de stage dans le Beaujolais, en Bourgogne et en Champagne » lance-t-elle, heureuse.

Comme ce genre de stage n’est pas donné, l’enseignante et ses étudiants multiplient les efforts de financement afin de pouvoir s’offrir cette expérience. « Nous avons organisé un souper-bénéfice. Tout le monde a mis la main à pâte. Les élèves ont vendu plusieurs billets de repas en plus de trouver de la commandite auprès de leurs parents et employeurs.

Malgré tous les efforts, elle affirme être très heureuse d’être en mesure de relever ce défi depuis 4 ans. Quoi de mieux pour une sommelière que d’être totalement plongée dans son domaine avec des élèves motivés?

Un domaine en constante mouvance

Tout sommelier qui désire être à jour dans sa pratique sait que la tâche n’est pas simple. Depuis quelques années avec, entre autres, l’arrivée des Appellations d’origine protégées (AOP) européennes en remplacement des Appellations d’origine contrôlées (AOC) françaises, le monde du vin change.

Afin d’être à l’affût des différentes mouvances vini-viticoles, les professionnels doivent savoir trouver leur information. Pour Nancy Lafrance, le défi est quotidien: « Quand tu enseignes, tu ne peux pas te permettre de transmettre la mauvaise information aux élèves. Tu dois constamment revoir la théorie ». C’est pourquoi elle consulte régulièrement différents sites Internet comme ceux des différents comités interprofessionnels des vins des régions ou celui de l’Institut Nationale des Appellations d’Origine (INAO). « Ça devient très difficile de se fier à nos livres. En plus, certains sites Internet se contredisent. Il faut démêler tout ça. C’est un exercice difficile, mais c’est satisfaisant de trouver la bonne information » explique-t-elle. Mais elle utilise entre autres le manuel de sommellerie professionnelle publié par l’ITHQ, pour lequel elle a agi à titre de correctrice lors de sa rédaction et qui est sorti en septembre 2015.

Si elle n’a plus la chance d’avoir accès à une cave à vin immense, elle trouve aujourd’hui d’autres façons d’évoluer dans sa pratique organoleptique. En plus de déguster avec ses élèves, elle s’assure de visiter tous les salons des vins qu’elle peut. « Non seulement je garde active ma dégustation, mais je discute avec de vignerons qui sont totalement investis de leur métier. »

Son conseil final pour un sommelier qui sort de l’école? « Voyagez et si cela est possible, allez travailler en salle à manger. Vous aiguiserez ainsi toutes vos connaissances et compétences» conclut-elle.

Guylaine Lebel